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19 juin 2022

Quand le ciel se déchaine sur le sauternais : un sifflement de bête...

 Merci à André Fuster, "ami des oenologues de Bordeaux",
membre de la commission technique, auteur du blog Vitineraires
pour son billet mensuel, volontairement décalé....

 

Même si c’est hors cadre par rapport aux règles implicites de cette chronique, à propos de la grêle il m’était impossible de ne pas commencer avec François Mauriac dans « Le nœud de vipères » (1932).

« Un sifflement de bête, puis un fracas immense en même temps qu'un éclair ont rempli le ciel. Dans le silence de panique qui a suivi, des bombes, sur les coteaux, ont éclaté, que les vignerons lancent pour que les nuages de grêle s'écartent ou qu'ils se résolvent en eau. Des fusées ont jailli de ce coin de ténèbres où Barsac et Sauternes tremblent dans l'attente du fléau. La cloche de Saint-Vincent, qui éloigne la grêle, sonnait à toute volée, comme quelqu'un qui chante, la nuit, parce qu'il a peur. Et soudain, sur les tuiles, ce bruit comme d'une poignée de cailloux... Des grêlons ! Naguère, j'aurais bondi à la fenêtre. J'entendais claquer les volets des chambres. Tu as crié à un homme qui traversait la cour en hâte : « Est-ce grave ?» Il a répondu : « Heureusement elle est mêlée de pluie, mais il en tombe assez. »
Un enfant effrayé courait pieds nus dans le couloir. J'ai calculé par habitude : « Cent mille francs perdus... » mais je n'ai pas bougé. Rien ne m'eût retenu, autrefois, de descendre, — comme lorsqu'on m'a retrouvé, une nuit, au milieu des vignes, en pantoufles, ma bougie éteinte à la main, recevant la grêle sur ma tête. Un profond instinct paysan me jetait en avant, comme si j'eusse voulu m'étendre et recouvrir de mon corps la vigne lapidée.
»


Les techniciens des siècles précédents ne disent pas autre chose que Mauriac.
Voir, par exemple le premier tome de « L’Agronome. Dictionnaire portatif du cultivateur » de Pons-Augustin Alletz, ici dans l’édition de 1760 :

« Lorsque les grains sont gros, ils mettent en pièce tout ce qu’ils rencontrent ; ils renversent les moissons, hachent jusqu’à la paille des blés, brisent les branches, les feuilles & les fruits des arbres ; cassent quelquefois les vitres, terrassent les oiseaux de l’air, écrasent même les hommes & les animaux qui se trouvent dans la campagne. ».

 

Textes particulièrement d'actualité, quand le ciel et le climat se déchainent ... solidarité avec nos amis et collègues viticulteurs.