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12 avril 2024

"Vins du futur et futur du vin" par Jules Guyot et Louis Pasteur dans les années 1860

« Vins du futur et futur du vin »
était le thème de l’édition 2024 de la Matinée des Œnologues de Bordeaux le 12 mars 2024.

Merci à André Fuster, "ami des oenologues de Bordeaux", membre de la commission technique, auteur du blog Vitineraires pour son billet, volontairement décalé...

L’exercice est intéressant tout autant que périlleux.

Au milieu du XIXème siècle, alors que la qualité des vins français n’est pas toujours à la hauteur des espérances : on sort à peine de la crise de l’oïdium et certains vignobles sont plus tentés par la quantité que par la qualité la viticulture et l’œnologie manquent de données récentes et fiables permettant d’envisager le futur…
En 1860, Napoléon III charge donc Jules Guyot d’une mission d’étude des vignobles. Il en résultera la publication de sa monumentale « Étude des vignobles de France » qui fait entrer la viticulture dans l’ère moderne.
En 1863 c’est au tour de Louis Pasteur d’être invité, par le même Napoléon III, à se pencher sur les causes des maladies des vins afin de les identifier … et de leur trouver un remède.
Dans son « Etudes sur le vin, ses maladies, causes qui les provoquent, procédés nouveaux pour le conserver et pour le vieillir » (paru en 1866) Pasteur écrit non pas : « le vin est la plus saine et la plus hygiénique des boissons » mais bien : « Plus on réfléchira aux causes des maladies des vins, plus on se convaincra que l'art de la vinification, et les soins que l'expérience des siècles a proclamés nécessaires, ont principalement leur raison d'être dans les conditions mêmes de la vie et de la manière d'agir des parasites du vin, de telle sorte que, si l'on pouvait arriver à supprimer par une opération pratique très-simple, les causes des altérations spontanées des vins, on pourrait, sans nul doute, fonder un art nouveau de faire le vin beaucoup moins dispendieux que celui qui est suivi depuis si longtemps, bien plus efficace surtout pour supprimer les pertes qu'occasionnent les maladies des vins, très-propre par conséquent à l'extension du commerce de cette denrée.
Il est désirable que l'on atteigne ce but, car le vin peut-être à bon droit considéré comme la plus saine, la plus hygiénique des boissons. »

Sans doute est-ce l’acte de naissance de la microbiologie du vin et de l’œnologie moderne, cet art nouveau de faire le vin que Pasteur appelle de ses vœux.


De son côté, Jules Guyot a déjà publié le tome de son étude qui est consacré au département de la Gironde : « Sur la viticulture de Sud-Ouest de la France » (1862).
Il y décrit précisément les pratiques viticoles des différents secteurs du département (sauf le Libournais qui sera traité dans un autre Tome), émet quelques suggestions (dont celle de développer la viticulture dans les Landes).
Il évoque l’oïdium « dont les effets, énergiquement combattus, presque dès son origine, dans la Gironde, par les homes les plus intelligents et les plus intéressés du monde à défendre la vigne, semblent devenir de moins en moins redoutables sous les efforts réunis de deux partis pourtant opposés d’opinons. Les uns pensent qu’il faut soufrer la vigne préventivement à toute apparition du terrible champignon ; les autres pensent qu’il ne faut lancer le soufre que contre l’ennemi présent et déclaré. »
Plus loin on trouve : « Si je n’avais compris jusqu’à ce jour l’importance du rôle de la vigne dans la puissance et la prospérité de la France, je l’aurais appris assurément par la société d’agriculture de la Gironde, qui est à même de comparer et qui compare les divers rendements des céréales, des prairies et des bois, … ».


Oui : sur les bases de ce qu’il observe, Jules Guyot réfléchit et prépare l’avenir de la viticulture et de l’œnologie.
Et puis le phylloxéra est arrivé ...

 image A.FUSTER :  exemples des modes de culture (taille) issue de l'ouvrage de Jules Guyot
« Sur la viticulture de Sud-Ouest de la France » (1862)