Changement climatique au cours des siècles, rien n'a vraiment changé, quant aux dégâts occasionnés et aux conséquences viticoles...
Merci à André Fuster, "ami des œnologues de Bordeaux", membre de la Commission Technique, auteur du blog Vitineraires pour son billet, volontairement décalé...
Lors de notre œnofil de juin 2022, nous avions évoqué François Mauriac, et "Le nœud de vipères", avec sa description d'un orage de grêle sur Sauternes (ci-dessous dernier paragraphe), aujourd'hui nous remontons le temps...
Dans la seconde édition de son "Culture de la vigne et vinification" (1861) Jules Guyot écrit :
"Je ne parle ni de la grêle, ni de la maladie, ni des insectes, qui prélèvent encore de trop fortes parts sur les vendanges, mais dont les effets présentent un caractère moins permanent, moins général et moins lié à la marche habituelle de nos saisons." (s'il ne parle pas de la grêle, en revanche il se penche en détails sur les gelées et propose même des moyens de s'en protéger).
D'autres auteurs sont plus prolixes sur le sujet de la grêle.
D'abord Olivier de Serres (ici dans l'édition de 1651 de son "Théâtre d'agriculture") qui dit la nécessité de tailler la vigne pour sa "remise en bon état si incontinent après le coup elle est retaillée".
Puis, en 1723, Jacques Boullay qui indique que quoi que l'on fasse : "à l'égard du raisin que cette grêle épargne, il n'est jamais si bon qu'il l'aurait pu être sans cet accident".
Ensuite, Arsène Thiebaut de Bernaud (ici en 1827) qui est plus précis que de Serres : "La taille se fait sur le vieux bois; on coupe court le jet qui a poussé, et on laisse peu de coursons sur chaque cep, afin qu'il puisse se restaurer lentement et plus sûrement.".
Grâce à L Chambon et J Jeanjan (1903), même les candidats au certificat d'étude sont informés du sujet et surtout des moyens tant préventifs que curatifs à disposition des vignerons : "On remédie aux dégâts de la grêle en soufrant abondamment aussitôt la chute de la grêle ; le soufre fait, en effet, cicatriser rapidement les plaies. Durant ces dernières années, l'emploi des canons et fusées contre la grêle a semblé donner de bons résultats.".
Mais nous sommes à Bordeaux, alors je finis avec François Mauriac dans "Le noeud de vipères" (1932) :
« Un sifflement de bête, puis un fracas immense en même temps qu'un éclair ont rempli le ciel. Dans le silence de panique qui a suivi, des bombes, sur les coteaux, ont éclaté, que les vignerons lancent pour que les nuages de grêle s'écartent ou qu'ils se résolvent en eau. Des fusées ont jailli de ce coin de ténèbres où Barsac et Sauternes tremblent dans l'attente du fléau. La cloche de Saint-Vincent, qui éloigne la grêle, sonnait à toute volée, comme quelqu'un qui chante, la nuit, parce qu'il a peur. Et soudain, sur les tuiles, ce bruit comme d'une poignée de cailloux... Des grêlons ! Naguère, j'aurais bondi à la fenêtre. J'entendais claquer les volets des chambres. Tu as crié à un homme qui traversait la cour en hâte : « Est-ce grave ?» Il a répondu : « Heureusement elle est mêlée de pluie, mais il en tombe assez. ». Un enfant effrayé courait pieds nus dans le couloir. J'ai calculé par habitude : « Cent mille francs perdus... » mais je n'ai pas bougé. Rien ne m'eût retenu, autrefois, de descendre, — comme lorsqu'on m'a retrouvé, une nuit, au milieu des vignes, en pantoufles, ma bougie éteinte à la main, recevant la grêle sur ma tête. Un profond instinct paysan me jetait en avant, comme si j'eusse voulu m'étendre et recouvrir de mon corps la vigne lapidée. »
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