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16 juillet 2024

Un gars, une fille, œnologue : œnologue-conseil

FREDERIC MASSIE

Promotion 2001 – Christian Radoux

Œnologue-conseil  gérant chez DERENONCOURT CONSULTANTS

 

Son parcours avant et après le DNO jusqu'à son poste actuel :

Après des études à Bordeaux jusqu'au bac, il commence par un DUT dans les Landes qui lui a permis de voir le côté industriel et déshumanisé de l'industrie agro-alimentaire. En réaction, il fait son stage de fin d'études dans une bodega de la Rioja où il va découvrir le monde des grands vins. Malgré ses origines bordelaises, c’est en Espagne et grâce à un maître de stage passionné qu’il trouve sa voie. Il poursuit par un DNO au sein de l’école bordelaise d’où il sort diplômé en 2001. Cela lui donne un très bon bagage technique ainsi qu’une vue d’ensemble de la filière bordelaise à travers trois stages :

  • L’un chez un vigneron de l’Entre-deux-Mers, partenaire du négociant Ginestet,
  • Puis au Château Duhart-Milon, grand cru classé de la « galaxie » Domaines Barons de Rothschild-Lafite à Pauillac,
  • Enfin dans le laboratoire œnoconseil de Preignac.

Pour avoir une meilleure connaissance à la fois de la viticulture et du fonctionnement d’une entreprise, il intègre le Mastère « gestion de propriété viticole » à Bordeaux Sciences Agro.
C’est en cherchant son stage de fin d’études qu’il rencontre Stéphane Derenoncourt. Ce dernier, à ce moment-là, était déjà préoccupé par la distribution des Bordeaux positionnés en cœur de gamme et lançait avec François Thienpont une société de négoce appelée Terra Burdigala. L'idée était que l'un s’occupe de produire des vins dans la gamme des 5 à 25 euros tandis que l'autre s’occupe de les distribuer. C’est la mise en place de ce négoce qui a été le sujet de son stage, avec le double enjeu d’optimiser chaque euro dépensé à la production et  de savoir relier des styles de vins à des profils de consommateurs. Le b.a.–ba …

En 2002, il rejoint la structure Derenoncourt qu’il n’a jamais quittée depuis. Aujourd’hui, il y est œnologue conseil pour un grand nombre de propriétés et gérant de la structure.

Son quotidien dans cette fonction :

Il est difficile de décrire le quotidien d’un consultant car, par définition, chaque journée dans cette fonction est différente. Ce qui est certain, c’est que les journées commencent tôt, finissent tard et que certains week-ends sont studieux. En ce qui le concerne, il occupe depuis plusieurs mois la fonction de gérant de Derenoncourt Consultants et ce, en plus de son travail de consultant sur le terrain. En effet, il y a 12 mois, Stéphane a cédé l'entreprise à ses associés, Julien Lavenu, Simon Blanchard et Frédéric. Autant dire que ses journées sont bien remplies !

Ses points forts (il adore…) :

Sa connaissance des écosystèmes naturels Elle lui permet d’avoir un autre niveau d’analyse sur les espaces viticoles et leur fonctionnement. Ensuite, sa capacité d’adaptation et son aptitude à faire du sur-mesure, lui permettent d’apprécier la diversité des types d'exploitations sur lesquelles il intervient.

Leurs zones géographiques diffèrent, et comme tous les œnologues de l‘équipe, il intervient aux quatre coins de la Gironde mais aussi ailleurs sur le vieux continent. A l’étranger, chacun a une zone dédiée. Pour lui, ce sont les bordures de la Mer Noire, la Roumanie, la Géorgie, la Turquie ou plus proche de nous, l'Espagne.

Les encépagements varient également. Il a la chance de déguster et de vinifier chaque année environ 35 cépages différents.

Enfin, leurs micro-terroirs sont passionnants. Il commence les vendanges début août pour les terminer début novembre. C’est une chance. Le plus incroyable et cela résume bien la complexité du métier, c’est que la première et la dernière parcelle vendangées sont mitoyennes !

Cette capacité d’adaptation ne lui est pas propre au sein de l’équipe. C’est même la force de Derenoncourt Consultants.

Ses points faibles (il déteste...) :

Il n'y a rien qu’il déteste vraiment. Certains consultants ont parfois du mal avec les déplacements et le temps dans les transports. Pour sa part, il a appris à optimiser ce temps. Il en profite pour s'informer, s'instruire, communiquer et prendre du recul. En revanche, en tant qu’œnologue, il a dû progressivement s’habituer aux enjeux du management d’équipe. Aujourd’hui, la force de Derenoncourt Consultants est précisément de disposer de nombreux spécialistes et de savoir les coordonner sur des projets parfois complexes.

Les compétences de l'œnologue mises en avant pour ce poste :

  • Avoir une grande capacité d’observation, avec l'enjeu de garder un regard neuf pour chaque nouveau projet.
  • Avoir également une grande capacité d’écoute, car la progression du client et donc de son vin passe par la prise en compte de son diagnostic et de son ambition ainsi que l’écoute de son équipe technique, avec l'enjeu de se fixer des objectifs et de s'en donner les moyens.
  • L’humilité. En agriculture, cela implique une connaissance respectueuse de la nature et une disposition à apprendre et à s’adapter aux cycles et aux besoins de l’écosystème d’un vignoble.
  • Enfin, la patience, car le temps demeure un compagnon insaisissable, nécessitant notre compréhension et notre respect.

 Comment devient-on « œnologue-conseil » ?

Il faut un peu de chance, mais on pourrait dire que le travail augmente la probabilité d’avoir de la chance. Être passionné et curieux constitue déjà un bon début.

Meilleur souvenir professionnel (dégustation, événement, accord mets et vins, rencontre ...) :

Notre équipe de consultants est particulièrement sensible à la révélation d'un grand vin par sa tenue à table, via des accords mets-vins qui l'honorent, lui correspondent. C’est pour cela que l’on travaille, pour partager des émotions à table !

Récemment, dans un restaurant japonais à Istanbul, lors d'une dégustation organisée et commentée par Andreas Larsson (meilleur sommelier du monde en 2007), il y avait deux vins sur chaque plat : l’un était d’Anatolie, et il avait participé à son élaboration, et l'autre provenait d’un producteur réputé en Europe. Les accords étaient sublimes et les vins turcs étaient largement à la hauteur. C’était le but de la démonstration d’Andreas. Ce moment-là représente l'aboutissement de 15 ans de travail.

Quels conseils à donner aux œnologues qui souhaitent s’orienter vers un poste similaire ?

Son conseil principal est d’avoir l’esprit ouvert, car la vérité d’un lieu n’est pas celle d’un autre. En tant que consultant passant d'une région ou d’un pays à un autre, il relativise les clans et les chapelles qui cloisonnent trop souvent les producteurs, notamment à Bordeaux.
Disons-le, il n'y a pas de technique, idée, ou recette unique ou miracle pour élaborer des grands vins. Chez Derenoncourt Consultants, les consultants font de l'œnologie sur mesure et dans un esprit pluridisciplinaire. C'est encore peu fréquent dans notre métier.
Bref, avoir de la rigueur mais pas d'œillères intellectuelles.

Son implication au sein de l’association œnologues de Bordeaux :

C'est avec grand intérêt qu’il a participé à la Matinée des Œnologues de Bordeaux 2023 pour présenter les travaux de Derenoncourt Consultants sur « l’usage de la rafle en vinification ». À cette occasion, il a pu voir de près le professionnalisme de l'association et la somme de travail que représente l’organisation d'un tel événement, à la fois professionnel et convivial. Depuis, il y assiste avec un regard un peu différent.

Question ouverte : Il nous parle d’un sujet qui lui tient à cœur

Difficile de ne pas aborder la crise que traverse Bordeaux actuellement.
Il y a une crise liée à la distribution qui est évidemment multifactorielle : déconnexion avec certains marchés, notamment ceux des vins vendus 7,5-15 euros HT aux professionnels, manque d’incarnation des propriétés, image générale du Bordeaux ternie par un "éco bashing" alors qu’il y a dans cette région une volonté sincère des producteurs d’avoir une approche plus vertueuse de la production. D'ailleurs, la prise en compte des écosystèmes dans la production n’est plus une option, mais plus une valeur ajoutée.

Il croit que la conquête des consommateurs va prendre du temps. Les stratégies de repositionnement sont donc aujourd'hui cruciales. Bordeaux peut réussir à nouveau mais en faisant preuve d'humilité pour gagner le cœur et l'attention des nouveaux consommateurs, même en grands vins, son ex-chasse gardée. Une commercialisation au corps à corps et une approche plus conviviale des vins deviennent indispensables.

Dans le même temps, il y a aussi une crise de la production, avec des événements climatiques de plus en plus fréquents et des équilibres analytiques qui changent.

Bref, il y a un monde de viticulture à réinventer. Cette reconstruction doit se faire en gardant ce qui fait notre identité. Il préfère adapter la culture et la vinification à partir de nos cépages locaux, régionaux, plutôt que d’espérer que le salut viendra d’un cépage lointain. D'ailleurs, son expérience internationale démontre qu’introduire un cépage dans une région apporte une solution mas soulève 10 questions. On doit améliorer la capacité de la vigne et des sols à encaisser les chocs. Augmentons le pouvoir tampon des sols, de la canopée qui protège les raisins. Gardons de la fraîcheur aussi bien dans les sols que dans les raisins.

Il y a 20 ans, nous avons amélioré la maturité et l’intensité du fruit ; aujourd’hui il pense qu’il faut travailler sur la composante végétale du vin. C’est un élément fondamental pour renforcer son attrait. Cette composante est naturelle dans les Cabernets, qui sont mieux armés pour les millésimes chauds. Pour les autres cépages, la solution est un peu plus complexe que d’avancer les vendanges de 3 semaines. S'agissant de l’arrivée et la mise en avant des vins sans alcool, il reste perplexe, même si ces boissons ont le mérite de lancer le débat sur le niveau d’alcool. Il soulève qu’il s’agit aujourd’hui encore pour le législateur d’un gage de qualité…

Pour positiver, disons qu'il y a aujourd’hui des propriétés qui fonctionnent. Elles incarnent leur vin, connaissent les marchés, ont une colonne vertébrale forte au niveau technique mais se remettent en question régulièrement. Or, il croit en la capacité de la viticulture bordelaise de se relancer ...

 

Un grand Merci à Frédéric.

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